Approche Contractuelle dans les hôpitaux publics du Togo

Approche Contractuelle dans les hôpitaux publics du Togo

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Le 14 juin 2017 le Ministre de la Santé et de la protection sociale Pr. Moustafa Mijiyawa a lancé officiellement à Atakpamé, le démarrage de la phase pilote de l’Approche Contractuelle qu’initie le gouvernement togolais dans les hôpitaux publics du Togo. C’est la phase pratique de tout un processus qui a conduit les autorités du secteur de la santé à rencontrer et entretenir dans toutes les régions sanitaires du Togo, les responsables des différents départements et services des structures sanitaires, les acteurs de la santé, les leaders communautaires, chefs traditionnelles, les chefs de services, les comités cantonaux de développement et le personnel soignant. Le Centre  Hospitalier Régional (CHR) d’Atakpamé et le Centre Hospitalier Préfectoral (CHP) de Blitta ont été retenus pour la phase pilote de ce programme. Une phase pilote qui a été mise en œuvre entre juin et décembre 2017. En novembre 2017, le Ministère de la Santé et de la protection sociale a annoncé les résultats de la phase expérimentale faite au niveau des deux (2) hôpitaux. Selon le Pr. Moustafa Mijiyawa, les résultats qui ont été obtenus cadrent parfaitement avec les objectifs visés. Ce qui ouvre la voie à la mise à échelle de cette approche. En janvier dernier le Chef de l’Etat, Faure Gnassingbé a visité le CHR Atakpamé pour toucher personnellement du doigt les résultats. Après la phase pilote, le CHR Atakpamé continue la mise en œuvre de l’approche contractuelle pour une durée de deux (2) ans comme le stipule le contrat signé entre le Ministère de la Santé et de la protection sociale et la société contractante. En quoi consiste la réussite de ce programme au CHR Atakpamé ? Quels sont les différents domaines dans lesquels cette approche est appliquée ? Quel est le niveau de changement intervenu dans la gestion de cette formation sanitaire ? Voici quelques questions qui ont amené Santé-Education à aller s’entretenir les premiers acteurs de cette mise en œuvre.      
  Une étude réalisée en 2013 souligne que plus de 89 % de la population n’est pas satisfaite des prestations hospitalières surtout dans les hôpitaux publics.
  Ceci est dû à un certain nombre de facteurs dont la gestion calamiteuse et approximative des centres hospitaliers publics et le niveau assez mauvais de l’ensemble des prestations.  Ce constat est général et aucune formation sanitaire publique n’y échappe. C’est un fait qui affaiblit d’avantage le système de santé. Que faire pour remettre les hôpitaux publics dans le bon fonctionnement et amener les populations à se rendre en toute confiance dans ces centres pour trouver solution à leur problème de santé ? C’est une interrogation qui a conduit le Ministère de la Santé et de la Protection Sociale, à opter pour la mise en œuvre d’un mécanisme qui permette aux hôpitaux de reprendre les bonnes performances. « Il s’agit de mettre en place un mécanisme de corrélation entre les ressources injectées et celles en place ; d’où l’approche contractuelle. », a déclaré le Ministre de la santé et de la protection sociale, le Pr. Moustafa Mijiyawa, lors d’une séance d’explication devant le personnel de santé. L’approche contractuelle est ce mécanisme adopté par les autorités de santé pour relever le défi des hôpitaux publics. Mais en quoi consiste l’Approche Contractuelle ? 
  L’Approche Contractuelle : gestion partenariale public-privé
L’approche contractuelle est fondée  sur le principe de délégation de la gestion des structures hospitalières publiques  à une entité privée. C’est-à-dire que l’Etat signe un contrat avec une société spécialisée dans la gestion des hôpitaux, à qui il délègue la gestion des hôpitaux. Ce n’est pas une privatisation, comme certains le pensent ou le disent, mais une délégation de gestion. La structure hospitalière reste et demeure publique.
  Le but de la contractualisation est d’harmoniser les ressources par rapport aux prestations et à la satisfaction des populations. Cette approche va  permettre à l’hôpital de dégager plus de bénéfices et d’investir dans un fonctionnement optimum, l’objectif étant la satisfaction de la population et d’arriver à une meilleure gestion des hôpitaux publics.
  L’approcha contractuelle au Centre Hospitalier Régional (CHR) d’Atakpamé
Le CHR Atakpamé et le Centre Hospitalier Préfectoral de Blitta, ont été retenus par le Ministre de la Santé et de la Protection Sociale pour la phase pilote de la mise en œuvre de l’approche contractuelle pendant une durée de six mois. A cet effet, un contrat est signé entre le Ministère de la santé et de la protection sociale et la société contractante dénommée  Entraide Médicale Internationale (EMI). Une société qui entretemps minée par des soucis internes, a concédé la mise en œuvre à son partenaire nommé  Gestionnaire Santé en Afrique (GSA). Le GSA cogèrent le CHR Atakpamé et le CHP Blitta.
  Le bureau du GSA est composé de cinq agents dont un Superviseur de toutes les activités, un Gestionnaire des dépenses ; un Gestionnaire des ressources humaines, un Assistant  technique.
  Information et sensibilisation du personnel et la communauté
Dans le but de faire une mise en œuvre comprise et acceptée par tous, le ministère de la santé et de la protection sociale a procédé à l’information et l’explication de l’approche contractuelle  au personnel  de santé des deux centres. La sensibilisation a été faite aussi à l’endroit des responsables des communautés, des maires, les préfets, et les populations elles-mêmes à travers les médias et les relais communautaires.
  Adoption d’un plan opérationnel entre les hôpitaux et le Contractant
La structure contractante le GSA et l’administration du CHR d’Atakpamé et le CHP Blitta ont rédigé un document qui est le guide de collaboration et de la mise en œuvre de l’approche contractuelle. Ce document traduit la méthodologie qui doit permettre d’atteindre les objectifs fixés. Pour y arriver,  un plan opérationnel est élaboré et signé. Le plan opérationnel est décliné en sept (7) axes : l’amélioration de la gestion des ressources humaines ; l’amélioration de la gestion financière ; l’amélioration de la satisfaction des patients ; le renforcement de la gestion pharmaceutique ; le renforcement du plateau technique ; l’amélioration de la prise en charge des indigents ; et l’amélioration de l’hygiène et assainissement de l’hôpital.
  La stratégie de fonctionnement exigée par l’approche contractuelle demande que les deux entités, la direction de l’hôpital et le contractant, cogèrent les activités.  C’est ainsi que  les agents de la société contractante sont représentés dans toutes les structures ou commissions décisionnelles de l’hôpital.  « Avec l’approche Contractuelle, nous sommes rentrés dans un régime de gestion orthodoxe transparente et inclusive. Même le personnel est impliqué dans la gestion et est au courant de tout ce qui se fait » a déclaré le Directeur du CHR Atakpamé M. Bamazi Olivier.
Ainsi le Contractant à travers ses agents a intégré toutes les structures de gestion dont  la commission de trésorerie qui apprécie et valide dépenses et apprécie les recettes, la commission de passation des marchés publics, et le staff hebdomadaire de la direction.
  « Concernant la gestion des ressources humaines avec l’équipe contractante et l’équipe d’exploitation, il fallait qu’on mettre beaucoup de rigueur. Elle se traduit par le positionnement d’un cahier à l’entrée de l’hôpital pour que les présences soient prélevées par les noms, prénoms et l’heure d’arrivée, de chaque agent sans exception aucune. En plus de cette mesure à l’entrée, il existe des fiches  de poste que chaque agent doit remplir et signer », a précisé le Directeur du CHR.
  Dans le règlement de chaque hôpital, il devrait  avoir un Comité de Médicament. Ce comité existait avant l’approche contractuelle, mais son fonctionnement n’était de nature à donner des résultats escomptés. Cette commission a été alors redynamisée avec l’approche contractuelle. Elle a pour objectifs entre autres : élaboration du document de la pharmacie, opérer les commandes, faire les inventaires hebdomadaires, inventaires mensuels ou trimestriels, valider les commandes  des médicaments en mettant l’accent sur la liste de 52 médicaments essentiels et opérer l’évaluation du taux de satisfaction des ordonnances.
   « Au niveau du management des recettes et des dépenses, on optimise l’encaissement des recettes et des dépenses à travers la mise en place des documents, la planification mensuelle. Nous avons mis aussi les outils de rapprochement entre les prestations et les recettes. Toutes ces actions de gestion à tous les niveaux permettent de présenter les actions et de mettre tout le monde à un même niveau de gestion », a précisé le Gestionnaire du Contactant.
  Le CHR Atakpamé avant l’Approche Contractuelle
Situé sur l’une des collines de la ville d’Atakpamé, le CHR est un hôpital de référence de la région des Plateaux. Il compte actuellement un personnel de 268 agents dont 113 sont des contractuels. Avant la contractualisation en juin 2017, le climat entre personnel et administration était  très tendu selon les témoignages reçu auprès de certains prestataires et membres du staff. Le personnel médical se voyait  moins impliqué dans la gestion du centre et ne se voyait pas responsable des résultats. Sur le plan financier, le recouvrement étant faible, il était difficile de s’approvisionner auprès des fournisseurs, surtout les fournisseurs des produits pharmaceutiques qui ne faisaient plus confiance au CHR à cause des dettes jusque-là impayées. Il était difficile de payer à temps le salaire du personnel contractant. Le payement des primes avait accusé des retards. Ceci  conduisait à des mouvements de grèves du personnel. En somme l’hôpital était au bord de l’explosion.
  Les résultats en chiffres
Au niveau de la consultation 5 mois avant l’Approche Contractuelle, le CHR Atakpamé avait enregistré 34 576 cas. Cinq (5) mois après la contractualisation le chiffre est passé à 43 140 soit une augmentation de 24,76%.
  En termes de recette en 2016, le CHR Atakpamé était à 32 600 000 fcfa. En 2017, cinq mois après le début de la mise en œuvre de la contractualisation,  les recettes ont atteint 60 000 000fcfa. Le taux de recouvrement des recettes est passé de 33% au premier semestre 2017 à 85% en octobre 2017, cinq mois après la contractualisation. « Actuellement, les fournisseurs pharmaceutiques qui nous évitaient sont avec nous car, avec l’approche contractuelle, un effort a été fait par l’hôpital, dans le payement des dettes. Les arriérés de salaires du personnel contractuel sont payés.  Des efforts sont en train d’être faits pour payer aussi les deux mois d’arrière de prime », a précisé M. Bamazi Olivier.
  Construction d’une nouvelle pharmacie au CHR Atakpamé
A l’entrée du CHR juste à gauche se trouve la nouvelle pharmacie de l’hôpital. Auparavant, elle était dans les locaux de l’ancien TogoPharma. Les  travaux de délocalisation et de réhabilitation de la pharmacie dans l’enceinte de l’hôpital ont coûté plus de 7 694 220fcfa y compris le matériel informatique. Le taux de disponibilité de médicaments au niveau de la pharmacie est passé de 74% en août 2017 à 94% en octobre de la même année.
Concernant le renforcement du plateau technique, il a été fait l’achat d’une table d’accouchement, deux placards, deux microscopes. « Nous pouvons ajouter à ce ensemble de matériel, l’ambulance toute neuve qui n’est pas achetée par l’hôpital, mais offerte par le Président de la République, lors de sa visite en janvier dernier. C’est un grand soulagement, car l’hôpital ne disposait plus d’ambulance pour aller chercher les patients dans les autres localités de la région ou référer vers Lomé pour des cas qu’on ne peut prendre en charge ici » a confié le Directeur.
 Satisfaction des patients et accompagnants
Dans le contrat signé entre le ministère de la santé et de la protection sociale et le contractant, il est convenu que les coûts de prestations demeurent à leur niveau d’antan. Autrement dit, les prix de prestations n’ont subi aucune augmentation.  Quand on joint à cette réalité, l’amélioration des prestations en termes d’accueil, des soins, le suivi des patients, et les séances de causerie faites à l’intention des patients et des accompagnants sur les bonnes pratiques d’hygiène et des soins, il est noté un changement assez remarqué sur l’opinion et le regard que portent les populations vers le CHR. Selon la société contractante, une évaluation a été faite pour connaitre le niveau de satisfaction des patients et leurs parents. Il ressort d’une manière générale une satisfaction des patients et parents. Le taux de satisfaction des patients et accompagnants est actuellement de ….% au CHR Atakpamé. Le taux d’évasion des patients était à 6% au premier semestre de 2017. Mais dans le deuxième semestre, il a chuté à 3%.
  Pour Dagan, une jeune dame parente d’un patient rencontrée à l’entrée du CHR d’Atakpamé, il y a réellement un changement : « actuellement l’accueil est bon, la propreté de l’hôpital aussi s’améliore. Avec la nouvelle pharmacie qui est construite au sein de l’hôpital, cela permet d’acheter plus facilement et rapidement les médicaments », a-t-elle déclaré.
  Léonce, électricien à Atakpamé était arrivée pour visiter un ami hospitalisé : « je vois que l’hôpital n’est plus comme avant où les choses se faisaient dans le désordre. Actuellement quand on rentre on constate un calme, un ordre. Les prestataires sont plus ouverts qu’avant », a-t-il apprécié.
  La motivation des personnels
L’une des clauses de la contractualisation demandait qu’aucun agent des hôpitaux  ne soit licencié. Avant les séances d’information sur la contractualisation, plusieurs agents craignaient des licenciements. Mais cette clause est réellement  appliquée,  tout le personnel est en place.
 
  Par ailleurs, les mesures mises en place pour le suivi du personnel commencent par donner des résultats encourageants. Ainsi, pour le taux de retard, le CHR est passé de 12% en juillet 2017 à 2,65% au mois d’octobre 2017 après la contractualisation.   « Avec l’approche contractuelle, il est noté un climat plus détendu dans le centre, la communication est plus facile aisée entre les personnels et l’administration. La confiance entre employeur et employés est retrouvée.», a témoigné un prestataire du CHR.
  « Les vices dont le rackettage, mauvais accueil, vente parallèle de médicaments  ont connu une chute spectaculaire de 90% », se réjouit M. Bamazi.
  Entre juin et décembre 2017, la phase pilote de l’Approcha Contractuelle  a été mise en œuvre au CHR Atakpamé et au CHP Blitta. Les résultats enregistrés dans ces deux formations sanitaires contrastent positivement avec ce qui existait. Les objectifs sont atteints selon le ministère de la santé et de la protection sociale.
  Pour le Directeur du CHR Atakpamé, les résultats prouvent que la contractualisation permet une meilleure gestion des hôpitaux avec un renforcement constant des investissements. « Avec la contractualisation,  le CHR Atakpamé devient au jour le jour un hôpital qui fonctionnement uniquement dans le but de satisfaire les populations et de faire honneur au métier médical. Ce n’est qu’un début, et avec ces résultats, nous sommes confiants que c’est un mécanisme efficace qui va permettre à tous les hôpitaux publics du Togo de jouer leur rôle dans leur communauté respective. D’ailleurs, certains collègues responsables d’hôpitaux dans les autres localités appellent pour s’acquérir des informations en matière de mise en œuvre de la contractualisation.  D’autres vont plus loin en envoyant leurs collaborateurs ici sur place au CHR Atakpamé pour venir constater comment la mise en œuvre de la contractualisation se fait », a révélé le Directeur du CHR.  
  A quand la mise à échelle de la contractualisation ?
Le constat est là, l’Approche Contractuelle donne des résultats qui renforcent le système de santé et donnent satisfaction aux patients. La phase pilote ayant déjà pris fin depuis décembre 2017, il revient au Ministère de la Santé et de la Protection Sociale de continuer ce qui est prévu, c’est-à-dire, porter la mise en œuvre de la contractualisation au niveau des autres formations sanitaires publiques.
 
                                                                                                            Sources : SE/MSPS